Home » Business / Economie » Prudence face aux apparences : le bénéficiaire effectif et les holdings étrangères
bénéficiaire

Prudence face aux apparences : le bénéficiaire effectif et les holdings étrangères

Quand il s’agit d’un investissement immobilier, il est fréquent de trouver des holdings, souvent basées au Luxembourg ou aux Pays-Bas, dans la chaîne de détention des actifs français. Ces holdings sont mises en place pour diverses raisons telles que des partenariats commerciaux, des plateformes d’investissement, des exigences des prêteurs, des considérations juridiques ou même fiscales.

En principe, lorsque ces holdings sont basées en Europe, elles bénéficient d’une exemption de retenue à la source sur les dividendes versés par leurs filiales françaises conformément à la directive mère-fille (2011/96/UE), qui a été transposée en droit français par l’article 119 ter, 2° du Code Général des Impôts. Par ailleurs, certaines conventions fiscales, comme la convention France-Luxembourg, prévoient également une exemption de retenue à la source sous certaines conditions. On fait le point avec Omnium Finance.

Le rôle crucial du bénéficiaire effectif dans le versement des dividendes

Il est maintenant établi que ces mesures ne s’appliquent qu’au bénéficiaire effectif des dividendes. En effet, si le destinataire des revenus agit uniquement en tant qu’intermédiaire, ni les avantages prévus par les conventions (comme l’arrêt du Conseil d’État du 5 février 2021, n°430594, Sté Performing Rights Society Ltd), ni la directive mentionnée précédemment (comme l’arrêt du Conseil d’État du 5 juin 2020, n°423809, Eqiom), ne sont applicables.

La récente décision rendue le 7 décembre 2022 par la Cour administrative d’appel de Paris (Vélizy Rose, n°21PA05986) offre un exemple intéressant de la notion de bénéficiaire effectif. Dans cette affaire, l’administration fiscale a refusé à une société de location immobilière française l’exonération de retenue à la source sur le paiement de dividendes à une société luxembourgeoise, arguant que cette dernière n’était qu’un bénéficiaire en apparence. La Cour a donné raison à l’administration en se basant notamment sur les faits suivants :

  • Les dividendes perçus par la société luxembourgeoise ont été entièrement reversés dès le lendemain à son unique associé,
  • La société luxembourgeoise ne disposait d’aucun moyen humain et matériel,
  • La société luxembourgeoise n’avait aucune autre activité en dehors de la détention des actions de la société française.

En conclusion, la Cour a considéré que la société luxembourgeoise n’était qu’un simple relais, une notion distincte de celle du bénéficiaire effectif.

Les enseignements à retenir

La décision de la Cour administrative d’appel de Paris nous offre deux leçons importantes. Sur le plan prospectif, il sera essentiel de prendre en compte la notion de bénéficiaire effectif lors de la planification de futurs investissements, qu’ils soient immobiliers ou autres. Cette notion devra être analysée de manière indépendante, en se détachant des considérations de substance ou des objectifs principalement ou exclusivement fiscaux.

Sur le plan rétrospectif, si la remise en question du concept de bénéficiaire effectif se pose dans une structure existante, il sera nécessaire de se référer à la jurisprudence Planet lorsque la convention fiscale entre la France et l’État du bénéficiaire effectif permet de réduire ou d’éliminer la retenue à la source française. Dans tous les cas, il ne faut surtout pas négliger l’évolution de la notion de bénéficiaire effectif dans la jurisprudence française et européenne.

Laisser un commentaire