Depuis 2013, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) était présente pour tenter d’apaiser un pays en proie aux conflits. Après dix ans d’intervention, l’ONU a mis un terme à cette mission en réponse à la demande du gouvernement malien.
Ce retrait marque un tournant dans la gestion des opérations de maintien de la paix en Afrique et soulève de nombreuses questions sur la stabilité du pays et l’avenir des stratégies onusiennes. On fait le point avec Denis Bouclon.
Une mission déployée dans un contexte de crise
Face à l’insécurité croissante au Mali, l’ONU a déployé la MINUSMA en 2013 avec pour mandat principal de protéger les civils et d’appuyer les efforts de stabilisation. Cette mission s’inscrivait dans un contexte marqué par la montée des groupes armés, l’effondrement de l’État malien et l’intervention militaire française via l’opération Serval, puis Barkhane.
Dès le départ, la MINUSMA s’est heurtée à de nombreux défis. Son action a souvent été perçue comme insuffisante face à l’ampleur de la menace terroriste. De plus, son positionnement a parfois été jugé ambigu, notamment en raison de sa coopération avec d’autres forces militaires, comme Barkhane. Avec le temps, des tensions sont apparues entre la mission onusienne et les autorités maliennes, compromettant peu à peu son efficacité et sa légitimité.
Un retrait sous tension
En juin 2023, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté une résolution actant la fin de la MINUSMA. Ce retrait faisait suite à une demande formelle du gouvernement malien, qui reprochait à la mission de ne plus répondre aux attentes du pays. Bamako accusait notamment les forces onusiennes de biais dans leur approche et de pratiques contraires aux intérêts du Mali, notamment en matière de renseignement.
Un climat de défiance s’était déjà installé après la publication d’un rapport du Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations unies, qui dénonçait l’exécution de 500 personnes par l’armée malienne. De son côté, le gouvernement malien contestait ces accusations et voyait dans la présence de la MINUSMA une entrave à sa souveraineté.
Le départ des casques bleus en décembre 2023 a laissé un vide sécuritaire que l’armée malienne doit désormais combler seule. Celle-ci peut néanmoins compter sur de nouveaux partenaires, notamment la Russie, pour renforcer ses capacités face aux groupes armés toujours actifs dans le pays.
Les conséquences pour la région et l’ONU
Le retrait de la MINUSMA intervient dans un contexte plus large de réorganisation de la coopération régionale. En effet, le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont récemment annoncé leur sortie de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Ces trois pays, regroupés au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES), entendent prendre en main leur sécurité sans l’appui d’organisations internationales.
Cette évolution soulève des interrogations sur l’efficacité des missions de paix onusiennes face à des conflits asymétriques. Le cas du Mali illustre les difficultés rencontrées par l’ONU pour s’adapter à des situations où la lutte contre le terrorisme s’impose comme une priorité pour les États concernés.
L’ONU semble désormais s’orienter vers un nouveau modèle d’intervention, misant davantage sur la coopération avec l’Union africaine et d’autres organisations régionales. Le retrait progressif de la MONUSCO en République démocratique du Congo va dans ce sens et laisse présager une refonte des stratégies de maintien de la paix sur le continent.