Un nouveau chapitre s’ouvre dans la fiscalité internationale avec l’introduction d’une taxe minimale de 15 % sur les bénéfices des sociétés multinationales ! Effective en France depuis le 1er janvier, cette mesure vise à contrecarrer les stratégies d’évitement ou d’évasion fiscale fréquemment employées par de grandes entreprises. L’objectif, vous l’aurez compris, est de s’assurer que ces géants économiques contribuent de manière équitable aux économies des pays où ils opèrent. Le point sur le sujet avec Sébastien Retaux, expert-comptable à Alençon !
2024, année charnière pour la fiscalité des multinationales en France ?
Il semblerait bien que si… Depuis le début de l’année, les grandes entreprises françaises n’ont théoriquement plus la possibilité de délocaliser le paiement de leurs impôts dans des paradis fiscaux. Cette évolution fait suite à la transposition, en novembre dernier, d’une directive européenne dans le projet de loi de finances (PLF) 2024 de la France. Dans le détail, ladite directive découle d’un accord établi en 2021 sous l’égide de l’OCDE, regroupant 140 pays, et prévoit la mise en place d’un impôt mondial minimum de 15 % sur les bénéfices des multinationales.
Nous vous le disions, l’objectif est de mettre fin aux stratégies de transfert de bénéfices vers des territoires à faible fiscalité, communément appelés « paradis fiscaux ». Outre les 27 pays de l’Union européenne, d’autres nations comme l’Australie, le Canada, le Japon, la Corée, le Liechtenstein, la Malaisie, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni et la Suisse s’attellent déjà à intégrer cet impôt dans leur système fiscal. Enfin, signalons que cet impôt vise les entreprises réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 750 millions d’euros, ce qui représente moins de 10 000 sociétés à l’échelle mondiale.
220 milliards de bénéfices à l’échelle mondiale grâce à la nouvelle fiscalité des multinationales
C’est le cas de le dire, la récente réforme fiscale des multinationales promet d’apporter des changements significatifs dans la gestion de la concurrence fiscale à l’échelle mondiale. Si un territoire maintient un taux d’imposition inférieur à 15 %, la France, grâce à la nouvelle législation, aura la possibilité de prélever la différence sur les bénéfices réalisés par une multinationale dans cet État. Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, n’a pas manqué de saluer cette avancée lors de son adoption, mettant en avant des conditions de concurrence plus justes.
Dans le détail, les estimations initiales suggèrent que cette réforme pourrait générer pour la France entre 1,5 et 4 milliards d’euros de recettes fiscales annuelles à partir de 2026, et jusqu’à 220 milliards de dollars au niveau mondial. Bien que conséquent, ce montant reste inférieur aux 600 milliards de dollars de pertes annuelles dues à l’évasion fiscale, comme l’estime le Fonds monétaire international (FMI). Certains économistes, dont Joseph Stiglitz, Prix Nobel d’économie, jugent d’ailleurs ce taux minimum de 15 % insuffisant, plaidant en faveur d’un taux plus élevé de 25 %.
Concrètement, cette réforme aboutit à la création d’un impôt complémentaire qui vient s’ajouter à l’impôt sur les sociétés existant. Elle ne remplace pas la taxe Gafa (3 % sur le chiffre d’affaires), mise en place en France en 2019. Cette taxe, qui n’est pas encore adoptée à l’échelle internationale, fait partie du premier pilier de l’accord de l’OCDE, toujours en cours de négociation. En cas d’adoption de ce « pilier 1 », l’OCDE anticipe une augmentation des recettes fiscales de 13 à 36 milliards d’euros. La taxe Gafa en France sera appliquée uniquement après l’adoption d’une convention multilatérale internationale par les membres de l’accord.