Dans la danse, le corps est perçu comme un lieu à la fois de savoir mais aussi d’expérience. Cette discipline ne cesse en effet d’évoluer, de se renouveler, et les professionnels comme le chorégraphe Yoann Bourgeois ne cessent d’aller toujours plus loin. La conscience, la respiration, la verticalité, l’impulsion, l’entraînement, la peau, les images sont autant d’appuis utilisés pour interpréter et réinventer le mouvement. Car après tout, la danse n’est-elle pas un mouvement qui prend et qui donne du sens ?
L’état de mouvement dans la danse
Avant toute chose, revenons à ce qu’est une chorégraphie. Cet ensemble de mouvements corporels délibérés pensé par des artistes, à l’image de Yoann Bourgeois, possède une logique propre, que ce soit dans le cadre d’une « préconception » (avec un caractère alors volontaire) ou d’une improvisation. On parle d’ailleurs de flux de mouvements plutôt que de figures ou de formes (qui est plus une terminologie utilisée dans le ballet classique).
Mais alors, pourquoi le mouvement ? Le danseur va se retrouver devant un vaste panel d’autres mouvements. Il va essayer, recommencer, choisir, etc., ce qui crée un flux d’énergie. Les séquences vont alors dépendre de cette énergie, que l’artiste va pouvoir intensifier ou au contraire atténuer. Il peut moduler la force du mouvement ainsi que sa vitesse grâce à divers points de contact ou de croisement, par des tensions ou des divergences entre deux mouvements. Notes musicales, gestes non dansés, paroles, objets, écarts… Les artistes, dont monsieur Yoann Bourgeois, sont à la recherche constante d’un état de mouvement.
L’inspiration est pour cela partout, et dans toutes les danses. Si le classique a inventé un langage de postures pour chaque partie du corps ainsi que l’élévation, de nouveaux points d’appui dans le corps sont venus révolutionner cet état de danse : le pouls, la marche, la respiration, la dynamique du poids, la conscience, la suspension… L’impulsion vitale du mouvement est désormais omniprésente, et ce, quelle que soit la posture (debout, assis, accroupi, couché) et la dynamique (en sautant, en mouvement, etc.).
Le mouvement chez les chorégraphes
Le mouvement est une quête éternelle chez les danseurs et les chorégraphes. Deux d’entre eux s’illustrent tout particulièrement sur cette thématique.
« La Mécanique de l’histoire, une tentative d’approche d’un point de suspension », de Yoann Bourgeois
Yoann Bourgeois, danseur, chorégraphe et acrobate travaille depuis longtemps sur l’équilibre et la gravité. Il est allé encore plus loin en mettant la physique du mouvement au cœur de son art. Tourbillon, trajectoire, inertie…. L’artiste qui magnifie les corps et qui parvient à figer l’instant a offert une expérience inédite avec « La Mécanique de l’histoire, une tentative d’approche d’un point de suspension ». Présentée au Panthéon, l’œuvre invite les spectateurs à se déplacer sous les différentes coupoles et ainsi observer tous les points de vue sur les installations et les performances de vertige de l’artiste qui cherche à atteindre le parfait point de suspension… Au croisement du temps et de la physique, il semble flotter avant de s’adonner à une chute sensuelle, tout en douceur et en élégance. M. Yoann Bourgeois essaie également une nouvelle expérience en tentant de dialoguer avec le pendule de Foucault.
Pour rappel, cette thématique de l’équilibre et de la suspension est loin d’être étrangère à l’artiste. Il avait en effet suivi entre 2004 et 2006 un cursus parallèle au Centre dramatique national d’Angers, où il rencontra la chorégraphe Kitsou Dubois. Cette dernière a entre autres travaillé avec la Nasa et le Centre national d’études spatiales, en dansant à bord des vols paraboliques mis en place afin de simuler des expériences d’apesanteur.
Merce Cunningham, des chorégraphies en patchwork
Tout comme Yoann Bourgeois, Merce Cunningham construisait ses chorégraphies avec des morceaux de mouvements issus d’horizons et de sources aussi hétérogènes que diverses.
Son approche reposait pour sa part sur une expérimentation des mouvements de manière pratique. L’artiste ne les imaginait pas d’avance mais comme un processus de travail (a working progress), soit seul, soit avec sa compagnie.
Le mouvement commence par un essai, qui fonctionne, ou non. Le chorégraphe passe alors dans ce cas à autre chose. C’est l’expérimentation avec des mouvements. Cunningham construit ses chorégraphies comme des patchworks, avec des bouts de mouvements venus de sources diverses et hétérogènes.
Il va d’ailleurs créer un nouveau concept où la danse et la musique peuvent exister indépendamment dans un même spectacle, sans que les mouvements des danseurs ne soient liés à la structure ou aux rythmes de la musique. Pour lui, toutes les formes d’art peuvent être autonomes, en partageant en fait un temps et un espace communs.
La danse est une dynamique qui va de l’intérieur vers l’extérieur et qui lance le corps dans un mouvement. Déplacement, tour, saut, déséquilibre, verticalité, respiration, conscience, âme, tonus, sensation, temps, espace… Tout est mouvement. Les artistes et les chorégraphes, à l’instar de Yoann Bourgeois poursuivent leur quête et ne cesse d’innover pour aller toujours plus loin dans le mouvement.