La filière fruits et légumes, c’est le nouveau bastion stratégique dans la quête vers la souveraineté alimentaire de la France ! Ce concept, devenu une véritable arme de résilience pour les professionnels de l’agroalimentaire, revient sur le devant de la scène, stimulé par les répercussions du Covid-19 et les tensions géopolitiques engendrées par le conflit en Ukraine. Forte du plan gouvernemental dévoilé lors du Salon de l’agriculture, dont les allocations initiales sont attendues pour juillet, la filière nourrit l’ambition de renforcer son autonomie et de s’affirmer comme le fer de lance de l’indépendance alimentaire nationale. Décryptage !
La filière fruits et légumes, symbole d’une souveraineté alimentaire fragilisée
Si elle est aujourd’hui le fer de lance de la souveraineté alimentaire française, force est de constater que la filière fruits et légumes est aussi un symbole de l’érosion de celle-ci, et pour cause… Depuis le début du siècle, cette filière essentielle a vu son taux d’auto-approvisionnement décliner de 14 points, s’établissant (péniblement) à 50 %. Un chiffre qui, bien que préoccupant, révèle une réalité encore plus nuancée lorsqu’on exclut de l’équation les agrumes et fruits exotiques, faisant ainsi remonter le taux à 63 %. Toutefois, cette réévaluation ne masque pas une baisse alarmante de 11 points sur les deux dernières décennies.
La diminution de la production en amont s’est inévitablement répercutée sur l’industrie agroalimentaire, signe d’une vulnérabilité croissante face aux importations. Comme le souligne le ministère de l’Agriculture dans son plan de souveraineté pour la filière, le déficit commercial du secteur se trouve particulièrement accentué par les jus et fruits transformés. Par ailleurs, le segment des légumes surgelés illustre cette fragilité avec seulement 26 % de l’approvisionnement provenant de producteurs français.
Initiatives gouvernementales pour renforcer la souveraineté alimentaire
Face à l’urgence de la situation dans la filière fruits et légumes, marquée par une baisse significative de l’auto-approvisionnement, le ministère de l’Agriculture a lancé, lors du Salon de l’agriculture fin mars, un ensemble de mesures ambitieuses. Objectif annoncé : inverser la tendance et freiner l’hémorragie de compétitivité qui mine le secteur ! Le gouvernement a ainsi présenté son plan d’action visant à générer des « gains substantiels en compétitivité », grâce notamment à la modernisation des infrastructures de production telles que les serres et vergers, mais aussi par l’allègement fiscal et l’amélioration de l’accès à la trésorerie pour les agriculteurs.
Avec un investissement de 400 millions d’euros prévu pour les deux prochaines années, le gouvernement marque sa volonté de stimuler la filière et maintenir la souveraineté alimentaire française comme l’explique cet article du président de Rungis dans le Figaro. Cependant, comme le souligne Laurent Grandin, président d’Interfel, malgré ces efforts, « la dépendance de la filière aux importations devrait continuer d’augmenter ». Le plan cherche avant tout à « arrêter cette hémorragie », en reconnaissant qu’une période d’inertie sera nécessaire avant de pouvoir observer une amélioration tangible de l’auto-approvisionnement.
Il est également noté que l’impact du plan ne sera pas uniforme à travers toutes les filières, certaines devant prioritairement bénéficier de cette aide en raison de leur décrochage plus marqué. Les producteurs de fruits, en particulier, sont désignés comme bénéficiaires clés de ces mesures, face à la faible rentabilité qui caractérise ce type d’exploitations. « Aujourd’hui, la rentabilité de ce type d’exploitations est un frein », explique Pierre Meliet, directeur général de Florette et président de la SVFPE. Il met en lumière les défis concurrentiels, notamment avec des pays comme l’Espagne, où l’écart de prix peut atteindre « 15-20 % ».
Vers une révolution verte : l’innovation au cœur des serres françaises
Dans le cadre de son plan de souveraineté alimentaire, le gouvernement met l’accent sur la modernisation de la filière fruits et légumes à travers le financement d’équipements de pointe. Au cœur de cette démarche : l’équipement des serres avec des technologies novatrices, essentielles pour accroître la rentabilité du secteur. Entre robots de désherbage, centres de stockage éco-énergétiques et surtout, serres haute performance, le plan d’action vise à doter les producteurs des outils nécessaires pour affronter les défis actuels.
« Le vrai défi c’est le coût de l’énergie », souligne le président de la SVFPE, qui met en lumière l’obsolescence technologique du parc de serres nationales, souvent équipées de systèmes énergétiques dépassés. L’ambition ? Transformer ces infrastructures avec des technologies avancées permettant une meilleure autonomie en énergie et en eau, piliers d’une compétitivité renouvelée. Par ailleurs, il est utile de noter que ce plan intervient dans un contexte économique tendu, où « la hausse du prix de revient chez les producteurs à cause de l’inflation a été un frein à l’investissement », explique Guillaume Bruguerolle, directeur commercial France de Richel. L’initiative gouvernementale, prévoyant des subventions pouvant atteindre les 40 %, est donc perçue comme un catalyseur d’investissements longtemps différés. Au-delà de la construction de nouvelles infrastructures, une part significative du budget sera allouée à la rénovation des serres existantes, ce qui va permettre de conjuguer innovation et durabilité au sein de la filière.
Une stratégie axée sur le consommateur et la sélection variétale
Alors que le premier guichet d’aides du plan gouvernemental révèlera ses résultats en juillet, l’industrie se prépare à un potentiel surcroît d’activité, anticipé à « 20 % pour les trois prochaines années » par Guillaume Bruguerolle. Malgré l’absence de réponse du ministère de l’Agriculture à nos demandes d’informations complémentaires, les professionnels du secteur se montrent prêts à répondre à une hausse de la demande grâce à des capacités industrielles adéquates.
Le véritable enjeu réside néanmoins en amont, avec l’amélioration des variétés de plantes et des méthodes de protection. « Si la capacité des plantes est améliorée, cela sera suffisant pour regagner 10 à 20 % de production », affirme Laurent Grandin, soulignant les avancées permises par la sélection génomique. Cela dit, la réceptivité du consommateur reste une variable clé… « Aujourd’hui, nous avons au total 70 % de fruits français sur notre gamme de compotes. Avoir un approvisionnement encore plus local nous permet de gagner des parts de marché », explique Raquel Martins de Charles & Alice, mettant en valeur l’attrait des consommateurs pour les produits arborant le drapeau français. Pierre Meliet renchérit, notant toutefois que le passage à un approvisionnement exclusivement local n’est pas envisageable pour certains produits, comme les compotes exotiques ou les salades iceberg en hiver, fournies par l’Espagne.