Alors que la fiscalité française évolue au gré des alternances politiques et des contraintes budgétaires, l’endettement immobilier continue de jouer un rôle ambigu dans les politiques publiques. A première vue, il semble logique qu’un emprunteur bénéficie d’un allègement d’impôt pour soutenir son effort d’acquisition. Pourtant, la réalité fiscale de 2025, fruit d’un empilement de réformes successives, exclut désormais une large part des ménages de tout avantage lié aux intérêts d’emprunt. Une mécanique qui soulève une double question : à qui profitent encore les niches fiscales liées au crédit immobilier ? Et que nous dit leur distribution sur les arbitrages économiques contemporains ? Eléments de réponse avec Stellium !
L’érosion des avantages pour les accédants à la propriété
Depuis la disparition progressive du crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt pour résidence principale – officiellement clos à toute nouvelle souscription depuis 2011 –, les dispositifs incitatifs à destination des primo-accédants se sont évaporés. A l’heure actuelle, aucun ménage ayant contracté un crédit en 2024 ou en 2025 pour acheter son logement principal ne peut espérer bénéficier d’une déduction, quelle que soit sa situation fiscale ou sociale.
Autrefois réservé aux biens neufs ou BBC, le mécanisme était déjà moribond en 2022, avant d’être supprimé dans sa totalité. Sa logique, pourtant, répondait à une volonté politique d’encourager l’accession à la propriété tout en améliorant la performance énergétique des logements. Sa disparition sans équivalent de remplacement traduit un basculement : le crédit immobilier n’est plus pensé comme un levier fiscal au service du logement, mais comme un simple outil financier à neutralité fiscale.
Un avantage fiscal maintenu… mais réservé aux bailleurs
La déductibilité des intérêts d’emprunt n’a pas disparue, elle s’est recentrée sur des cibles spécifiques, à savoir les propriétaires bailleurs. Dans le cadre du régime réel d’imposition, les intérêts – ainsi que les frais annexes comme les assurances, les garanties ou les frais de dossier – peuvent être soustraits des revenus locatifs. C’est notamment le cas pour les investissements locatifs, les parts de SCPI financées à crédit ou encore les biens détenus via une SCI soumise à l’impôt sur le revenu.
Ce traitement différencié n’est pas sans conséquences. Il privilégie une typologie d’investisseurs à la fois plus aisée, plus patrimonialisée, et souvent mieux conseillée. Ceux qui optent pour le micro-foncier, en revanche, n’ont droit à aucune déduction individualisée : un abattement forfaitaire de 30 % est automatiquement appliqué, sans tenir compte des charges réelles supportées. Le choix entre micro et réel devient ainsi un calcul d’optimisation, réservé à ceux qui maîtrisent suffisamment les subtilités fiscales… ou qui peuvent déléguer à un expert.
Une logique d’amortissement différé et conditionnel
Même dans le cadre du régime réel, les règles encadrant la déduction des intérêts ne sont pas uniformes. En cas de déficit foncier, par exemple, les intérêts ne peuvent pas être déduits du revenu global, contrairement aux autres charges. Ils doivent être reportés sur les revenus locatifs des dix années suivantes. En d’autres termes, la déduction n’est ni immédiate ni garantie, elle dépend de la constance des revenus fonciers à venir. De surcroît, toute interruption de la mise en location – vente ou changement d’usage du bien – suspend les avantages.
Les modalités déclaratives, elles aussi, s’avèrent complexes. Selon que le bien soit détenu en direct, en SCPI, ou en SCI, selon qu’il s’agisse de revenus mixtes ou uniques, les formulaires à remplir et les cases à cocher se multiplient.
Une fiscalité qui façonne les profils d’investisseurs
Ce redéploiement ciblé des avantages fiscaux en matière de crédit immobilier n’est pas sans effet sur la structure du marché. Il favorise les investissements locatifs au détriment de la résidence principale, accentue l’attrait des SCPI pour les patrimoines intermédiaires et conforte le recours aux structures sociétaires dans les montages complexes. A travers ces choix techniques, c’est un modèle d’accumulation patrimoniale différenciée qui se dessine.
La suppression des aides à l’accession ne signifie pas que l’Etat se retire du secteur immobilier, mais qu’il oriente ses soutiens vers ceux qui investissent pour louer, et non pour habiter. Ce parti pris, rarement débattu publiquement, produit des effets durables sur la dynamique du logement en France. A rebours de cette évolution, certaines voix s’élèvent pour réclamer une réintégration du crédit immobilier à la résidence principale dans le champ des politiques fiscales. En attendant, les contribuables doivent se résoudre à une vérité simple : pour bénéficier d’une déduction des intérêts d’un emprunt immobilier, encore faut-il ne pas y vivre.